Lundi 15 - Le Saint-Laurent 

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Dimanche 14 - Golfe du Saint-Laurent | Lundi 15 (suite) - Québec

2 h 00. Bref réveil, le temps d’admirer le ciel étoilé et de regarder les villages éclairés défiler sur la côte nord.

4 h 30. Tout à fait réveillé à présent.

5 h 30. Nous arrivons en avance en vue des Escoumins. Battures de Mille-Vaches, à la hauteur de la Pointe Bois-Vert. Profondeur 320 m.

5 h 40. 48° 28’ 85” N - 69° 05’ 16” W. 17,8 nœuds. 228°.

6 h 20. Le jour se lève. Nous sommes en avant lente, en face des Escoumins, dans l’attente du pilote. Le Tage a cessé de trembler et vibrer comme il l’a fait tout au long du voyage depuis Hambourg. Il glisse doucement sur une eau lisse. Le bosco fait “brrr” en regardant les rives enneigées.

7 h 20. Pilote à bord. Nous passons le Cap de Bon Désir et la Batture à Théophile. Air : 0° C. Eau : 3,1° C.

7 h 35. Passage de la rivière Saguenay. Tadoussac. Sur bâbord, les bancs de l’île Rouge, et l’île Verte. Le pilote est monté à bord avec le Journal de Québec du jour, titrant “J’ai vécu un enfer - Éric Lapointe”.

Il explique qu’il y a deux saisons aux Escoumins, 2 mois d’été et l’hiver. Dans un mois, le Saint-Laurent devrait être gelé par ici. Nous arriverons à Québec vers 14 h 30.

8 h 45. Des matelots commencent à dessaisir les conteneurs. Les dockers de Montréal ne font pas cette opération, contrairement à Anvers et Hambourg. Je les plains par anticipation quand il fera -30 ou -40°. D’ailleurs, le second s’inquiète de savoir si la compagnie voudra bien acheter des tenues chaudes pour les hommes.

Sur la carte, je vois qu’il y a des “battures” sur tout le long des rives, cela correspond à des zones d’estran, aux parties du rivage que le jusant découvre.

Vitesse : 14,6 nœuds. Les eaux sont vertes. Par endroit, il y a comme des laisses de sciure de bois qui flottent. Nous avons vu quelques cétacés avec des nageoires dorsales, difficiles à identifier faute de connaissances (des rorquals ?).

8 h 30. Feu du Cap de la Tête-au-Chien. Derrière l’île aux lièvres, il y a des îlots au nom plaisant : les îles du Pot-à-l’eau-de-vie.

8 h 50. Une croix blanche sur les hauteurs, une église moderne, quelques jolies maisons à fleur d’eau, nous passons Saint-Siméon.

9 h 10. Charmant petit phare de la Pointe des Rochers.

9 h 15. Nous rattrapons une “barge de lacs” (c’est le pilote qui m’a donné le nom de ces bateaux qui naviguent sur les Grands Lacs), l’Algocen, un petit vraquier d’une quarantaine d’années, avec un château tout à l’avant, ce qui lui donne une silhouette très particulière. Ces bateaux vont à 10-11 nœuds.

9 h 45. Nous arrivons sur la rivière Malbaie, Cap-à-l’aigle et Port de Pointe-au-pic. Derrière, un haut sommet culmine à 470 m.

10 h 05. Nous passons devant l’imposant hôtel Manoir Richelieu, un peu défiguré par un laid casino à proximité. Un train de marchandises passe en contrebas, ses wagons sont couverts de tags. Quelques morceaux de ciel bleu. Ça se réchauffe (1,2° C).

10 h 15. Saint-Irénée sur la rivière Jean-Noël. Petite bourgade. Derrière, le massif Mont des Éboulements (766 m!), dans les nuages. Le train CN nous suit toujours, il va à peine un peu plus vite que nous.

10 h 30. Cap-aux-Oies. Une petite maison là, ça ne me déplairait pas. Il y en a 3, une de couleur bleu-vert, une blanche et un chalet en bois.

10 h 45. Majestueux panorama : dans la brume, l’île aux Coudres surgit. Hélas, le soleil n’est plus de la partie.

11 h 00. Nous nous engageons dans le passage de l’île aux Coudres. Dans la grisaille, une grève, la baie des Éboulements, on discerne un bateau à quai au Cap Saint-Joseph.

Un traversier vient de quitter Saint-Bernard-sur-Mer (île aux Coudres), c’est le Félix-Antoine Savard. Petit chantier naval sur l’île.

11 h 20. Sur tribord se découvre la grande Baie Saint-Paul où se jette la rivière du Gouffre. On y voit une grande église. Aux jumelles, feu de la Pointe de la Prairie, à l’extrémité de la Grande Batture.

11 h 30. Croisons cargo, le C.S. Queen.

“Bravo”, je transporte des marchandises dangereuses. “Hôtel”, j’ai un pilote à bord.

11 h 45. Je redescends dans ma cabine et laisse le pilote manger tranquillement à la passerelle. Il a demandé du Fanta. Manger en buvant du Fanta, quel pays de sauvages.

12 h 00. Je m’apprête à descendre déjeuner alors que nous passons ce qui ressemble à une station de ski. Les pistes dessinent des tranchées blanches dans les bois.

Les eaux sont marrons, très limoneuses. Le train de marchandises (je crois que c’est toujours le même) est toujours en vue (quelle ligne de chemin de fer magnifique…).

12 h 50. Fini de déjeuner. De retour à la passerelle. Nous sommes à la hauteur de Cap Brûlé. Le chenal est étroit, entre un banc de sable et la côte. Sur bâbord, la longue et effilée île aux Oies, prolongée de nombreuses autres plus petites, avant d’arriver à la très grande île d’Orléans.

13 h 05. Passons le Cap Tourmente, apparaissent les battures de la Pointe-aux-Prêtres et l’entrée du chenal de l’île d’Orléans, chenal que nous laisserons pour prendre le chenal la Traverse du Nord, qui se prolonge par le doux-nommé chenal des Grands-Voiliers.

Détail amusant : un ruisseau de la Friponne se jette sur les battures de la Pointe-aux-Prêtres.

13 h 15. Croisé aux battures de la Traverse (sorte de figure de proue de l’île d’Orléans) un bateau qui fait des sondages, en raison des bancs de sable qui se déplacent dans les parages.

Saint-François, sur l’île d’Orléans.

13 h 50. Petit église de Saint-Jean, au toit rouge (île d’Orléans).

14 h 00. Bateau à l’ancre, l’Algosar.

Au loin, les lignes à haute-tension d’Hydro-Québec enjambent le fleuve (h. 53 m.).

14 h 05. Le pilote se prépare à débarquer, en vue du changement de Québec. Il refuse la cartouche de Marlboro offerte par le commandant. Il m’explique que cela n’arrive plus qu’une fois sur vingt. Parfois, c’est une bouteille. Le père du pilote est lui aussi pilote sur le Saint-Laurent, entre Trois-Rivières et Québec. À une époque, celui-ci recevait une bouteille à chaque pilotage. Il aurait pu ouvrir une taverne…

14 h 20. Église et petit port de plaisance. Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans.

14 h 30. Lévis sur bâbord, des tours, des grues… Voici Québec !

14 h 45. Sainte-Pétronille (extrémité de l’île d’Orléans).


P.S. Message de Jean-Martin Blais, 20/12/2004 :

Vraiment, Laurent, tes photos sont superbes. Je viens de regarder intensément celles du bas du fleuve, celles de l’embouchure du Saguenay en montant vers Québec. Combien de fois n’ai-je pas descendu le long de la Côte du Sud pour traverser le Saint-Laurent à Rivière-du-Loup et remonter à Québec par le Charlevoix et la Côte de Beaupré ! Combien de fois ne suis-je pas allé sur le quai de Saint-Michel-de-Bellechasse, regarder couler le fleuve et passer les bateaux. Quand on regarde vers l’aval, on a l’impression que les bateaux montent dans le ciel.

Message de Harry Chapdelaine, 27/12/2004 :

Cher monsieur,

Merci beaucoup pour ces très belles images.

Aussi ai-je lu que ce navire a emprunté le chenal nord de l’Île d’Orléans.

Un ami et moi avons eu une discussion assez animée à ce sujet. Cet “ami” m’affirmait qu’aucun navire ne passait au nord mais prenait toujours le chenal sud. Il va sans dire que moi, j’affirmais mon désaccord. Serait-il trop vous demander de m’envoyer un petit courriel me confirmant le fait que ce navire s’est rendu à Québec par le chenal du nord. Je regrette que ce monsieur n’ait pas l’internet et demeure loin d’ici. Si cela s’avère impossible et bien tant pis, et soyez assurez que je vais regarder encore souvent cette description de votre voyage.

Meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

J. Harry Chapdelaine, Trois Rivières.

Ma réponse, en deux temps :

Monsieur Chapdelaine,

Je crois que je vous ai induit en erreur. J’ai écrit :

“Passons le Cap Tourmente, apparaissent les battures de la Pointe-aux-Prêtres et l’entrée du chenal de l’île d’Orléans, chenal que nous laisserons pour prendre le chenal du Nord, qui se prolonge par le doux-nommé chenal des Grands-Voiliers.”

Alors que j’aurais dû écrire “pour prendre la Traverse du Nord”.

Le Chenal dit “du Nord” est en fait le chenal principal du Saint-Laurent, passant au nord de l’île aux Coudres et allant jusqu’à la hauteur du Cap Tourmente, en longeant la rive nord du fleuve

Arrivé en vue du Cap Tourmente, la route des navires au commerce continue par le passage entre l’île d’Orléans et les îles au Ruau et Madame, ce passage porte le nom de “Traverse du Nord”.

La Traverse du Nord se prolonge ensuite par le chenal des Grands Voiliers (qui est donc le chenal de la rive sud de l’île d’Orléans, et celui qu’empruntent tous les navires au commerce).

Le chenal de la rive nord de l’île d’Orléans s’appelle le “Chenal de l’île d’Orléans”, il n’est pas navigable pour les bateaux de plus de 3,7 m de tirant d’eau, ce qui l’interdit aux navires de commerce.

Puisqu’un dessin vaut mieux qu’un long discours, je vous ai trouvé une carte du Saint-Laurent entre l’île d’Orléans et l’embouchure du Saguenay.

Carte du Saint-Laurent entre l'île d'Orléans et l'embouchure du Saguenay.

On y voit, en tracé jaune, le “Chenal du Nord”, route qui longe la rive nord du fleuve, passe au nord de l’île aux Coudres, et va jusqu’au Cap Tourmente.

En tracé jaune pointillé de vert, c’est le “Chenal du Sud”, route qui longe la rive sud du fleuve, passe au sud de l’île aux Oies, pour se terminer également à la verticale du Cap Tourmente.

Il y a ensuite deux “traverses” qui, comme leur nom l’indique, traversent le fleuve.

La “Traverse du Milieu” passe au sud de l’île aux Coudres, puis entre l’île aux Oies et l’île aux Grues pour rejoindre le Chenal du Sud.

La “Traverse du Nord” est le “prolongement naturel” du Chenal du Nord après le Cap Tourmente, et passe entre l’île d’Orléans et les îles au Ruau et Madame, pour rejoindre le chenal des Grands Voiliers.

J’avais donc écrit par erreur “Chenal du Nord” pour “Traverse du Nord”. Voilà !

Réponse de Harry Chapdelaine, 27/12/2004 :

Cher Monsieur Gloaguen,

S.V.P. Acceptez mes remerciements les plus sincères pour avoir pris le temps de répondre. Soyez assuré que je l’apprécie au plus haut point. Même si cela confirme que j’étais dans l’erreur.

Mes années de “marin” furent de 1949 à 1953, et le navire “TRANSRIVER” avait un tirant d’eau de 14 pieds. Probablement la raison du passage au nord de l’île d’Orléans.

Encore une fois merci.

Harry Chapdelaine.

 

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