Idées grises

Courir après tes heures
Ce temps-là m’est passé.
De douleur plus immédiate
Je n’ai pas connu l’inspiration
Depuis,
Je prends ma peine en patience.
Non pas.
Je cherche les recours.
Non plus :
Je vis, voilà tout
Mes journées seul à.
Seul en.
Seul.
Je ne sens pas son corps
Ni le sien qui me joint
Ni le vôtre
Pas plus le mien :
Encore puis-je prétendre…
Mais à bien regarder
J’embrasse des contours
Et je me sais présent.
Et j’ai mal d’être là
Pour avoir possédé,
Ce que je n’ai pas donné.
C’est ainsi
Triste à l’envi
Où j’en suis ce poème
Parle amer et chagrin,
S’applique à perdre pied
Et ne perd que le nord.
Dites-vous qu’à ma place
La rengaine est tenace
Qui remet sur mes traces
Une foule d’idées grises
Et des leçons apprises
Que ces messieurs me disent :
On n’aime rien, disent-ils.
En effet.
Je n’ai rien aimé
Et je ne veux plus rien
Du plaisir entre deux
Le complice et le tendre
Comprendre de toi
Le pourquoi, le comment
Ou s’il faut se réjouir
D’un mot plus haut que l’autre
Au hasard, sous tes doigts
D’une promenade en caresse…
Du moins,
Il faudrait le vouloir.

Hiver 1982.