Outils de paiement : la difficulté à innover (2017)
Des premières cartes de paiement au début du siècle dernier aux Apple Pay et Google Wallet, les nouveautés en matière de transactions peinent à percer. Les récentes tentatives de “cartes intelligentes” semblent toutes devoir être condamnées à l’échec. Les moyens de paiement sont un marché difficile.
Un peu d’histoire
De tout temps, le crédit a toujours été associé de très près au commerce. Marchands et clients ont toujours su trouver des arrangements pour permettre le flux des marchandises ! Cependant, le concept de la carte de paiement/crédit est né beaucoup plus tard, au début du XXe siècle. Certains grands magasins ainsi que des compagnies pétrolières ont alors commencé à développer le concept de cartes à paiement différé (“Charge cards”), acceptées seulement dans leurs propres établissements. En 1946, la première carte bancaire est née avec Charg-it, de la banque Biggins, à Brooklyn. La carte Diners Club a quant à elle été introduite en 1949. Puis en 1958, l’entreprise American Express, jusqu’alors une entreprise de messageries concurrente de la poste américaine, qui proposait aussi des outils financiers (mandats, chèques de voyage), a introduit sa célèbre carte. 1966 est l’année où MasterCard et Visa ont toutes deux emboîté le pas en lançant les fameuses cartes en plastique à bande magnétique — que nous utilisons encore aujourd’hui !
Évolutions technologiques
À peu de choses près, ces cartes ont peu évolué depuis 50 ans, leur format demeure similaire et encadré par des normes. La première carte en plastique embossée date de 1959 (American Express) et les premières cartes à piste magnétique sont apparues au début des années 1970. Depuis, il y a eu la révolution de la carte à puce (Carte Bleue, 1992)… mais l’objet reste toujours un morceau de plastique mesurant très précisément 85,60 × 53,98 mm, le marché des cartes est toujours essentiellement dominé par les mêmes deux joueurs principaux (Visa, Mastercard) et les nombreux efforts pour réinventer la manière de payer se sont révélés jusqu’à maintenant souvent vains.
Bien sûr, des systèmes comme Apple Pay, Google Wallet et même Samsung Pay offrent la promesse de changer radicalement le processus de paiement, avec des informations stockées dans le téléphone, mais c’est toujours avec Visa et Mastercard en arrière-plan. Et l’adoption généralisée de ce type de système se fait encore attendre, malgré les prédictions initialement très enthousiastes des analystes. De plus, en dehors des paiements dans les cafés, les restaurants ainsi que les autres commerces du même genre, les habitudes demeurent bien difficiles à changer.
Bien des ratés
Au sein de ce domaine, le dernier joueur en date à se casser les dents est Plastc, une compagnie de Silicon Valley. Celle-ci promettait de réinventer la carte elle-même en proposant une version « intelligente » qui combinait jusqu’à 20 cartes dont un consommateur pouvait avoir besoin — débit, débit différé, crédit, cadeau, fidélité, etc. — en une seule. Cette carte promettait d’offrir tous les mécanismes de sécurité actuellement disponibles : MagStripe, RFID-NFC, puce… y compris de moins courants comme le déverrouillage par code saisi sur la carte elle-même (sur écran E-Ink) et le déverrouillage par téléphone via Bluetooth.
Fondée en 2014, l’entreprise avait amassé plus de 9 millions de dollars en précommandes, à coups de 135/155 $ par carte. Alors que les fameuses cartes devaient être envoyées vers la fin de 2016, les acheteurs se sont retrouvés sans nouvelles. Et maintenant, la société vient de fermer ses portes et dit vouloir se placer sous la protection de la loi sur les faillites. Il est probable que les « backers » ne reverront jamais la couleur de leur argent.
Le plus étonnant, c’est que Plastc est loin d’être un cas isolé ! Encore récemment, l’entreprise était même vue comme celle qui allait sauver cette niche de la « carte de crédit réinventée », jusque-là vouée à l’échec. Parmi les condamnées, on peut citer Coin, acquise par FitBit en 2016, puis disparue au début de cette année. Swyp, la carte programmable de la startup Qvivr connaît quant à elle de multiples reports de sa date de disponibilité depuis plus de trois ans. La technologie de Stratos, une autre carte intelligente qui a fait l’objet elle aussi de nombreux retards, a été rachetée en janvier dernier après une entreprise danoise après que Statos ait cessé ses activités en décembre 2016.
Une problématique pas si évidente…
Qu’est-ce qui explique tous ces ratés ? Entre autres, un mauvais « timing » et la technologie. La plupart de ces cartes intelligentes ou « tout-en-un » reposaient en effet essentiellement sur une bande magnétique dynamique, qui permettrait théoriquement aux consommateurs de charger plusieurs cartes sur la même. Une fois en magasin ou au point de vente, la carte intelligente peut passer, tel un caméléon, pour la bonne aux yeux du système de paiement et du marchand. Mais… en même temps que ces cartes tentaient de révolutionner la manière de payer, les points de vente ont enfin commencé en Amérique à abandonner graduellement la bande magnétique pour la puce. En outre, ces cartes étaient dès leur naissance non commercialisables en Europe, là où la carte à puce est devenue un standard des transactions depuis le début des années 1990.
Certes, la Plastc brillait du fait qu’elle proposait aussi une puce “dynamique”, mais l’entreprise n’ayant jamais sorti son produit, on ignore si elle était vraiment en mesure de maîtriser cette technologie clef.
On notera aussi que la plupart des consommateurs et des commerçants demeurent très conservateurs en matière de moyens de paiement et les nouveautés ont des difficultés à émerger, du moins rapidement (ce qui est incompatible avec le cycle d’une start-up). Selon James Wester, analyste en paiement chez IDC Financial Insights, « essayer de percer le marché du paiement est très difficile ». Alors que les institutions financières distribuent des cartes gratuites et qui fonctionnent, l’analyste posait de plus une question qui fait réfléchir… « Est-ce que le problème de transporter trop de cartes sur soi vaut la peine de débourser plus de 50 $ pour être réglé ? Quand votre plus gros concurrent est un produit gratuit, ça devient très dur… »
Visa et MasterCard tentent quant à elles de renouveler leur offre avec des cartes plus sécuritaires. MasterCard vient d’ailleurs d’annoncer le début des tests sur une carte comportant un lecteur d’empreinte digitale, compatible avec les terminaux actuels.
La longue marche vers des paiements plus faciles, plus sécuritaires, sans contact se poursuit donc lentement. La bonne vieille carte en plastique, qui a plus de 50 ans, domine toujours, mais pour combien de temps encore ?
Plastic payment: painful progress
From the very first payment cards at the beginning of last century, to today’s Apple Pay and Google Wallet, transactional innovations have had a hard time getting accepted. Even the latest “smart cards” seem headed for failure. The payment methods market is tough.
The past
Credit has always gone hand in hand with trade. Merchants and clients always find ways to facilitate the flow of goods! But it is only recently, i.e. at the beginning of the 20th century, that the concept of the payment/credit card was born, with department stores and oil companies coming up with the idea of deferred payment cards (“charge cards”), accepted in their stores only. In 1946, the first bank card made its appearance, with the Charg-it card, of Biggins Bank, in Brooklyn. It was quickly followed by the Diners Club card, in 1949. Then, in 1958, American Express, which up until then had been a courier company competing against the US Post Office while also offering financial services (money orders, traveller’s cheques), launched its timeless card. In 1966, MasterCard and Visa both launched their groundbreaking plastic cards with a magnetic stripe — a technology still in use today!
Technological progress
Today’s credit cards are basically identical to yesteryear’s; same basic format, same standards, same regulations. The first embossed plastic cards made their appearance in 1959 (American Express) and the first magnetized ones, in 1970. Since then, the only revolutionary innovation has been the chip (Carte Bleue, 1992)… otherwise, cards are still basically the same 85.60x53.98mm piece of plastic, the market is still dominated by the same major players (Visa, Mastercard) and the many attempts to reinvent payment methods have come to nothing.
Of course, systems like Apple Pay, Google Wallet and even Samsung Pay promise to transform the payment process through information stored in smartphones, but they still involve support by Visa or Mastercard, and this type of payment still hasn’t been widely adopted, despite analysts’ early, enthusiastic predictions. Besides, other than payments in cafés, restaurants and other similar businesses, consumer habits are tough to change.
Duds and flops
In the electronic payment field, the latest player to try and fail was Plastc, a Silicon Valley concern. Plastc’s schtick was to reinvent the card itself, offering a single “smart” card combining up to 20 cards your average consumer uses: credit, debit, deferred payment, gift, loyalty, etc. This new card offered every security feature already in use with other cards: MagStripe, RFID-NFC, chip… including some less familiar ones, like unlocking the card with a code entered on the card itself (thanks to an E-Ink screen) or unlocking it by phone through Bluetooth.
Founded in 2014, Plastc had managed to garner over 9 million dollars’ worth of pre-orders, at a rate of some $135 to $155 per card. The cards were supposed to be shipped at the end of 2016, but the New Year came and went and buyers were still waiting. Now, the company has just shut down, and sought Chapter 11 protection. Odds are that the “backers” will never get their money back.
The most surprising thing is that Plastc is not an isolated incident. In fact, until very recently, the company was touted as the saviour of the “reinvented credit card” niche, which is littered with failures: Coin, bought by FitBit in 2016 and abandoned at the beginning of the year; Swyp, the programmable card by the startup company Qvivr, whose availability date has been repeatedly postponed over the last three years; Stratos, another smart card that has also experienced a series of postponements, bought out by a Danish company in January after Stratos closed down in December 2016.
A thorny problem
What can explain all these failures? Several things, but most evidently, bad timing, and technology. Most of the “all-in-one” smart cards bank on a dynamic magnetic stripe, allowing customers to (theoretically) gather all their cards in one. Once at the store or point of sale, the smart card changes its stripes at will and is automatically recognized as the right one by the merchant payment system. Unfortunately, just as these cards are changing their stripes, American points of sale are finally trading in the stripe for the chip. Besides, Europe adopted the chip as their standard at the beginning of the 1990s. Plastc did offer a “dynamic” chip, but since the card never launched, we’ll never know whether it was truly able to provide this key technology.
Besides, most consumers and merchants remain conservative in terms of methods of payment, meaning that innovations have a hard time getting accepted at all, let alone fast enough, which is crucial to a start-up. According to James Wester, Payment Analyst at IDC Financial Insights, “Trying to participate in the payments space is very hard. A lot of folks who try, find out the hard way.” “Is [carrying too many cards] a problem worth paying $50 to solve?” Wester asks. “When your largest competitor is a free product, that’s going to be really hard.
Visa and MasterCard are seeking to innovate with more secure cards. MasterCard has announced it will start testing a card with a fingerprint reader that will be compatible with current terminals.
The long plodding march towards easier, more secure, contactless payments continues. The good old plastic card we’ve known and loved for 50 years still reigns supreme, but for how much longer?